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Le règlement de copropriété et la qualification des parties privatives

Cass. 3e civ., 7 janv. 2021, n° 19-19.459, P

Mots-cles

Copropriété • Parties privatives • Règlement de copropriété • Parties communes • Critères • Balcons • Terrassons • Usage exclusif

Textes vises

Loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 - Articles 2 et 3

Repere

Le Lamy Droit immobilier 2020, n° ……

RL36XX La cour d’appel ayant souverainement retenu que le règlement de copropriété classait les terrassons, balustrades et vases y intégrés dans les parties privatives, il en résultait nécessairement que les critères de qualification supplétifs issus des dispositions des articles 2 et 3 de la loi du 10 juillet 19651 n’étaient pas applicables.

Analyse

Un immeuble classé monument historique au titre de sa couverture et de ses façades, dont l'une donne sur les jardins du Palais-Royal, comporte un quatrième étage construit en retrait par rapport aux étages inférieurs.

La différence de surface entre les appartements du troisième et ceux du quatrième étage, appelée « terrasson », est bordée par une balustrade de pierre ornementée de vases Médicis, dits pots-à-feu.

Une assemblée générale décide de la réalisation de travaux d'étanchéité des terrassons et de réfection des balustres et pots-à-feu, en mettant à la charge des copropriétaires des lots du quatrième étage le financement de ces travaux.

Soutenant que les terrassons, balustres et vases Médicis constituent des parties communes de l’immeuble, les copropriétaires concernés assignent le syndicat en annulation des résolutions de l'assemblée générale.

Ils prétendent, d’une part, que les terrassons servent de couverture à une partie des logements de l'étage inférieur et, d’autre part, qu’ils ne peuvent être utilisés de façon privative par les occupants du quatrième étage car ils auraient également pour fonction l'évacuation des eaux pluviales et usées.

Ils exposent à cet égard que ces terrassons fermés par les balustres et vases qui les entourent et avec lesquels ils forment un tout, assurent le rôle de chéneaux permettant l'évacuation des eaux de pluie de l'ensemble du Palais-Royal et sur lesquels les propriétaires des logements y attenant ont interdiction de poser des bancs ou tout autre élément qui pourrait être préjudiciable à l'écoulement des eaux.
De ce fait, ils ne constitueraient donc pas, selon eux, des balcons à usage privatif exclusif.

La cour d’appel relève que le règlement de copropriété précise, en son article 3, que les balcons particuliers constituent des parties privatives et non des parties communes à usage privatif.

Elle déduit de l'absence de référence aux « terrassons » dans le règlement de copropriété que ceux-ci sont considérés comme « les balcons particuliers » évoqués à l'article 3 du règlement, lesquels constituent des parties privatives.

Il en résulte, selon la cour d’appel, que le balcon, la balustrade et les vases intégrés à cette balustrade formant un tout à l'usage exclusif des lots concernés, constituent des parties privatives, seuls les copropriétaires de cet étage étant tenus de contribuer au financement des travaux de leur restauration.

Au soutien de leur pourvoi, se fondant sur les dispositions des articles 2 et 3 de la loi du 10 juillet 1965, les copropriétaires reprochent à la cour d’appel d’avoir retenu que les terrassons, qui ne figurent pas dans l’énonciation du règlement de copropriété au titre des parties privatives, pouvaient être analysés comme constituant les balcons particuliers y figurant.

Ils relèvent qu’en l’espèce, dans le silence ou la contradiction des titres, (l’article 4 du règlement de copropriété énumérant notamment parmi les parties communes, la couverture de l’immeuble, les tuyaux de chute et d’écoulement des eaux pluviales), la cour d’appel aurait dû rechercher si la fonction de couverture et d’évacuation des eaux, par son rôle de canalisation, utile à tous les copropriétaires, relevée par les premiers juges et non contredite par l’arrêt d’appel, ne conférait pas au terrasson une nature de partie commune au sens de l’article 3 de la loi du 10 juillet 1965.

La Cour de cassation rejette le pourvoi.

Elle relève que la cour d’appel a souverainement retenu que les « terrassons » invoqués par les parties, bien que ne figurant nullement au règlement de copropriété lequel ne fait état que de « balcons particuliers », forment un tout avec les balustres et vases Médicis lesquels constituent des parties privatives en application de l’article 3 du règlement de copropriété, à l’usage exclusif des copropriétaires du quatrième étage concernés, de sorte que ceux-ci sont seuls tenus de contribuer au financement des travaux de leur restauration.

La Cour de cassation ajoute que la juridiction d’appel n’avait donc pas à rechercher l’application des dispositions des articles 2 et 3 de la loi du 10 juillet 1965, lesquelles sont supplétives et ne s’appliquent que dans le silence ou la contradiction du règlement de copropriété.

Ce faisant, la Cour de cassation ne fait que rappeler les solutions en la matière.

En effet, en application de l’article 2 la loi du 10 juillet 1965, sont privatives les parties des bâtiments et des terrains réservées à l’usage exclusif d’un copropriétaire déterminé.

Sont communes, en vertu de l’article 3 de la loi, les parties des bâtiments et des terrains affectées à l’usage ou à l’utilité de tous les copropriétaires ou de plusieurs d’entre eux.

Pour autant, les articles 2 et 3 de la loi n’étant pas d’ordre public, il s’agit de critères de qualification supplétifs de la volonté des parties et le règlement de copropriété peut librement fixer la répartition entre parties communes et privatives.

Par ailleurs, l’interprétation des clauses du règlement de copropriété relève du pouvoir souverain des juges du fond sur lequel la cour régulatrice n’exerce aucun contrôle, hormis en cas de dénaturation.

En l’espèce, les juges du fond ont souverainement retenu que les terrassons, les balustrades et les vases y intégrés constituaient les balcons particuliers décrits au règlement de copropriété comme étant des parties privatives.

Considérés par les juges du fond comme faisant partie intégrante des balcons, parties privatives, les terrassons, bien que ne figurant pas expressément dans le règlement de copropriété ainsi que les balustres et vases avec lesquels ils formaient un tout, ne pouvaient être classés dans les parties communes en suivant les critères supplétifs posés par les articles 2 et 3 de la loi du 10 juillet 1965.


1 L. n° 65-557, 10 juill. 1965, JO 11 juil.

Textes de la decision (extraits)

« (…) Sur le second moyen
(…)
Réponse de la Cour
7. La cour d’appel a retenu, par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, du règlement de copropriété, qu'il résultait des dispositions combinées des articles 3, 4 et 5 que les balcons, qui n'existaient qu'au 4ème étage de l'immeuble, étaient des parties privatives dépendant des lots n° 9 et 10 et non des parties communes à usage privatif attachées à ces lots, que les petites terrasses, les balustres et les vases Médicis constituant les balcons du 4ème étage formaient un tout, ces petites terrasses particulières aux lots n° 9 et 10 correspondant, en réalité, aux « terrassons » invoqués par les parties, qu'en l'absence de référence aux « terrassons » dans le règlement de copropriété, il devait être considéré que ceux-ci étaient les « balcons particuliers » prévus à l'article 3 du règlement de copropriété, qu'à ce titre, le balcon, la balustrade et les vases intégrés à cette balustrade formaient un tout à l'usage exclusif des propriétaires des lots n° 9 et 10, de sorte qu'ils constituaient des parties privatives au sens de l'article 3 précité et que seuls les copropriétaires des lots n° 9 et 10 étaient tenus de contribuer au financement des travaux de leur restauration.
8. La cour d’appel, qui a réfuté les motifs des premiers juges et qui n'avait pas à procéder à des recherches, que ses constatations rendaient inopérantes, sur les règles supplétives prévues par les articles 2 et 3 de la loi du 10 juillet 1965, a ainsi légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ; ».
Cass. 3e civ., 7 janv. 2021, n° 19-19.459, P