Jurisprudences

Nos publications

Action en annulation de la répartition des charges et contestation préalable de l’assemblée générale l’ayant instituée

Cass. 3e civ, 28 nov. 2019, nos 18-15.307, 18-15.308 et 18-15.505, D

Mots-cles

Copropriété • Action en annulation de la clause répartition des charges • Contestation préalable de l’assemblée générale ayant fixé la grille de répartition • Nécessité • Caractère imprescriptible de l’action

Textes vises

Loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 – Articles 5,10 et 43.

Repere

Le Lamy Droit immobilier 2019, nos ……

L'action d'un copropriétaire en constatation de la non-conformité d'une clause de répartition des charges aux dispositions de l'article 10 de la loi du 10 juillet 19651, laquelle ne peut avoir d'effet que pour l'avenir, n'est pas subordonnée à la contestation préalable de l'assemblée générale ayant fixé la grille de répartition.

Analyse

Dans le cadre de différentes procédures ayant donné lieu à trois arrêts de la Cour de cassation, plusieurs copropriétaires de lots commerciaux, dont certains étaient poursuivis en recouvrement par le syndicat secondaire, sollicitent le rétablissement de la répartition des charges telle que prévue à l’origine par le règlement de copropriété.
Une nouvelle grille de répartition avait en effet été adoptée depuis lors par une assemblée générale du 22 décembre 1997.
Les copropriétaires contestaient la conformité de cette grille aux dispositions impératives de l’article 10, alinéa 1er, de la loi du 10 juillet 1965 qui prévoient une répartition des charges concernant les services collectifs et les éléments d’équipement commun en fonction de leur utilité pour chaque lot.

Mais la Cour d’appel de Paris rejette leur demande.
Selon elle, la clause de répartition ne pouvait être réputée non écrite puisque la décision d’assemblée générale l’ayant instaurée était devenue définitive.

Sans surprise, la Cour de cassation censure la décision d’appel, au visa des articles 5, 10 et 43 de la loi du 10 juillet 1965.
Elle précise qu’en vertu de ces dispositions, l’action tendant à voir réputer non écrite une répartition des charges non conforme à l’article 10, alinéa 1er, de la loi, peut être engagée à tout moment par un copropriétaire, que cette clause résulte du règlement de copropriété, d’un acte modificatif ou d’une assemblée générale ultérieure.
Elle réaffirme ainsi, dans le droit fil de l’arrêt de principe du 27 septembre 20002, qu’en application de l’article 43 de la loi du 10 juillet 1965, la clause de répartition des charges, y compris celle introduite dans le règlement de copropriété par une assemblée générale ultérieure devenue définitive, peut, à tout moment, être déclarée non écrite, comme étant contraire aux dispositions de l’article 10 de la loi.

Reprenant sa formulation habituelle, selon laquelle le copropriétaire peut agir à tout moment, la Haute juridiction confirme le caractère imprescriptible de cette action3.
Elle rappelle, s’il en était besoin, que l’action en annulation de la clause de répartition des charges n’est pas subordonnée à la contestation préalable de la décision d’assemblée générale l’ayant instituée.
Peu importe, en conséquence, que l’assemblée générale ayant introduit la clause de répartition des charges dans le règlement de copropriété soit ou non devenue définitive.
En effet, ce n’est pas la décision d’assemblée qui est visée par cette action mais la conformité aux dispositions de l’article 10 de la loi de la répartition des charges qui en résulte.
On concevrait mal que la clause de répartition soit soumise à deux régimes distincts, selon qu’elle serait issue du règlement de copropriété lui-même ou qu’elle proviendrait d’un acte modificatif ultérieur, tel qu’une décision d’assemblée générale.
De surcroît, rien ne saurait justifier qu’une action à l’encontre de la répartition des charges, résultant d’une décision d’assemblée générale, soit soumise à la prescription de l’article 42 de la loi, alors que celle relative à la clause du règlement de copropriété d’origine serait imprescriptible.

La Cour de cassation réaffirme donc ici qu’en application de l’article 43 de la loi du 10 juillet 1965, tout copropriétaire peut à tout moment invoquer l’absence de conformité aux dispositions légales d’ordre public des clauses du règlement de copropriété, quelle que soit leur origine, et en particulier de celles concernant la répartition des charges, sans que l’on puisse lui opposer une quelconque prescription.

Mais, conformément à une jurisprudence désormais bien établie depuis un arrêt de principe du 10 juillet 20134, la Haute juridiction rappelle néanmoins que la décision judiciaire, qui répute non écrite une clause relative à la répartition des charges, n’a pas d’effet rétroactif.
La nouvelle répartition à laquelle procède le juge, en vertu de l’article 43, alinéa 2, de la loi, n’a d’effet que pour l’avenir. Elle n’est applicable qu’à compter de la date à laquelle la décision aura acquis l’autorité de la chose jugée.

À noter que l’article 38, 2° de l’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 portant réforme de la copropriété des immeubles bâtis, laquelle entre en vigueur le 1er juin 2020, apporte des précisions complémentaires fort utiles.
L’article 43 de la loi du 10 juillet 1965, désormais complété, prévoit que « cette nouvelle répartition prend effet au premier jour de l’exercice comptable suivant la date à laquelle cette décision est devenue définitive ».



1 L. n° 65-557, 10 juill. 1965, JO 11 juill.
2 Cass. 3e civ., 27 sept. 2000, n° 98-22.792, Rev. loyers 2000, p. 528, note Gélinet J.-M., Loyers et copr. 2000, comm. n° 279, note Vigneron G., JCP N 2001, p. 89, obs. Sizaire D., JCP G 2001, chron. 305, obs. Périnet-Marquet H., D. 2001, p. 408, note Capoulade P. et Giverdon C. ; Cass. 3e civ., 18 nov. 2008, n° 07-18.823, Rev. adm. févr. 2009, p. 49, obs. Bouyeure J.-R. ; Cass. 3e civ. 28 janv. 2016, n° 14-26.921 ; Cass. 3e civ. 12 mai 2016, n° 15-15.166.
3 Cass. 3e civ., 9 mars 1988, n° 86-17.869, Bull. civ. III, n° 54, JCP G 1988, IV, 182 ; Cass. 3e civ., 26 avr. 1989, n° 87-18-384, Bull. civ. III, n° 93, Inf. rap. copro. 1990, p. 13, obs. Capoulade P. ; Cass. 3e civ., 12 juin 1991, n° 89-18.331, Bull. civ. III, n° 170, RD imm. 1991, p. 379, note Capoulade P. ; Cass. 3e civ., 28 janv. 2016, n° 14-26.921.
4 Cass. 3e civ., 10 juill. 2013, n° 12-14.569, Bull. civ. III, n° 98, Rev. loyers 2013, p. 408, note Zalewski-Sicard V., JCP G 2013, n° 41, 1060, p. 1863, obs. Périnet-Marquet H., Loyers et copr. 2013, comm. n° 251, obs. Vigneron G., AJDI 2014, p. 44, note Atias Ch. ; Cass. 3e civ., 21 janv. 2014, n° 12-26.689, Loyers et copr. 2014, comm. n° 91., obs. Vigneron G.

Textes de la decision (extraits)

« Sur le moyen unique :

Vu les articles 5, 10 et 43 de la loi du 10 juillet 1965 ;

Attendu qu'il résulte de ces textes que tout copropriétaire peut, à tout moment, faire constater l'absence de conformité aux dispositions de l'article 10, alinéa 1er, de la loi du 10 juillet 1965, de la clause de répartition des charges, qu'elle résulte du règlement de copropriété, d'un acte modificatif ultérieur ou d'une décision d'assemblée générale, et faire établir une nouvelle répartition conforme à ces dispositions ; que la décision de réputer non écrite une telle clause n'a d'effet que pour l'avenir ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 février 2018), que la société HSB, propriétaire d'un lot à usage commercial dans un immeuble soumis au statut de la copropriété, a assigné le syndicat secondaire des copropriétaires du centre commercial Bois des Roches, ainsi que la société Sudeco, syndic, en rétablissement de la répartition des charges selon les critères définis par le règlement de copropriété ;

Attendu que, pour rejeter la demande, l'arrêt retient que l'assemblée générale du 22 décembre 1997, devenue définitive, a adopté la nouvelle grille de répartition des charges et que la clause de répartition ne peut être réputée non écrite puisqu'elle n'est pas annulée ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'action d'un copropriétaire en constatation de la non-conformité d'une clause de répartition des charges à l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965, laquelle ne peut avoir d'effet que pour l'avenir, n'est pas subordonnée à la contestation préalable de l'assemblée générale qui a fixé la grille de répartition des charges, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE (…) ».