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Responsabilité délictuelle du conseil syndical et faute contractuelle
Cass. 3e civ., 29 nov. 2018, n° 17-27.766, P+B+I
Mots-cles
Copropriété – Conseil syndical – Responsabilité délictuelle – Faute – Mandat gratuit – dépenses engagées
Textes vises
Code civil – Articles 1992, alinéa 2 et 1240 – Décret n° 67-223 du 17 mars 1967 – Article 27
Repere
RL3057 L’action en responsabilité délictuelle engagée par un copropriétaire à l’encontre d’un membre du conseil syndical, fondée sur un manquement contractuel, s’exerce dans les limites de l’article 1992 alinéa 2, lequel prévoit que la responsabilité est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu’à celui qui reçoit un salaire.
Analyse
Une copropriétaire engage une action en responsabilité à l’encontre du président du conseil syndical en invoquant divers griefs, parmi lesquels figure une prétendue négligence dans la surveillance des comptes du syndic ainsi que l’engagement de frais inutiles dans le cadre des dispositions de l’article 27 du décret du 17 mars 1967[1] qui permettent au conseil syndical de se faire assister par un tiers de son choix.
La Cour d’appel de Paris rejette ses demandes[2].
Elle retient tout d’abord que l’éventuelle négligence dans la surveillance des comptes du syndic ne constitue pas en soi, en l’absence de collusion frauduleuse démontrée entre le syndic et le président du conseil syndical, une faute lourde qui engagerait sa responsabilité.
Elle décide ensuite que les dépenses engagées l’avaient été dans la limite fixée par l’assemblée générale qui ne les avait pas jugées inutiles.
La Cour de cassation confirme la décision d’appel par un arrêt qui aura les honneurs du Bulletin.
Ce faisant, elle se prononce, à notre connaissance pour la première fois, sur la responsabilité des membres du conseil syndical, de surcroît dans le cadre d’une responsabilité de nature délictuelle.
I - RESPONSABILITÉ DU CONSEIL SYNDICAL DANS LE CADRE DE SA MISSION D’ASSISTANCE ET DE CONTRÔLE
En vertu de l’article 21 de la loi du 10 juillet 1965[3], le conseil syndical assiste le syndic et contrôle sa gestion ; il donne son avis au syndic et à l’assemblée générale sur toutes questions concernant le syndicat pour lesquelles il est consulté ou dont il se saisit lui-même.
Toutefois, comme le prévoit l’article 27, alinéa 1er, du décret du 17 mars 1967, les fonctions de président et de membre du conseil syndical ne donnent pas lieu à rémunération.
Pour autant, le conseil syndical peut être amené, dans le cadre de sa mission, à commettre des fautes ayant pour effet de causer un préjudice au syndicat des copropriétaires ou aux tiers, au nombre desquels figurent les copropriétaires individuels.
Cependant, le conseil syndical n’étant pas doté de la personnalité morale, il ne peut être recherché en responsabilité qu’à travers chacun de ses membres.[4]
Vis-à-vis du syndicat des copropriétaires, les membres du conseil syndical, mandataires bénévoles, voient leurs fautes appréciées de façon moins rigoureuse que le mandataire salarié en application de l’article 1992, alinéa 2, du Code civil[5].
Vis-à-vis des tiers au mandat confié par le syndicat des copropriétaires, le conseil syndical ne peut être recherché que sur le fondement de sa responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle de l’ancien article 1382 du Code civil, désormais 1240 du Code civil, qui implique que l’auteur du dommage n’a pas de lien contractuel avec la victime.
Mais, depuis l’arrêt de l’assemblée plénière de la Cour de cassation du 6 octobre 2006[6], le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage.
C’est donc sur ce fondement que l’action à l’encontre du président du conseil syndical avait été engagée.
Bien que fondé sur sa responsabilité délictuelle, le manquement invoqué constituait bien une faute de nature contractuelle puisqu’il s’agissait d’une prétendue négligence dans le cadre de sa mission de contrôle.
Mais la Haute juridiction, approuvant en cela la décision d’appel, décide qu’une éventuelle négligence dans la surveillance des comptes du syndic ne constitue pas en soi, en l’absence de collusion frauduleuse avec ce dernier, une faute suffisamment grave pour engager la responsabilité du président ou du membre du conseil syndical, eu égard au caractère bénévole du mandat qui leur est confié.
Dans la logique de l’arrêt de l’assemblée plénière précitée[7], la Cour de cassation oppose en effet au tiers au mandat les dispositions légales de l’article 1992, alinéa 2, du Code civil, gouvernant la responsabilité contractuelle du mandataire, en limitant l’appréciation des fautes et donc le degré de responsabilité du mandataire bénévole par rapport au mandataire salarié.
Les autres griefs invoqués à l’encontre du président du conseil syndical concernaient l’application des dispositions de l’article 27 du décret du 17 mars 1967, permettant au conseil syndical de se faire assister par un tiers.
II - RESPONSABILITÉ DU CONSEIL SYNDICAL ET DISPOSITIONS DE L’ARTICLE 27 DU DÉCRET DU 17 MARS 1967
Afin de mener à bien sa mission de contrôle et d’assistance du syndic, le conseil syndical qui n’est pas un professionnel, peut être amené à faire appel à un tiers.
L’article 27 du décret du 17 mars 2017 lui permet en effet de prendre conseil auprès de toute personne de son choix et de demander un avis technique, sur une question particulière, à tout professionnel de la spécialité.
Or, l’article 27, alinéa 3, prévoit que les dépenses ainsi nécessitées constituent des dépenses courantes d’administration supportées par le syndicat des copropriétaires et réglées par le syndic.
En l’occurrence, la copropriétaire contestait l’utilité des dépenses engagées auprès d’un expert-comptable, d’un avocat et d’un architecte et sollicitait le remboursement, par le président du conseil syndical, des sommes ainsi réglées par le syndicat des copropriétaires.
La cour d’appel avait relevé que les dépenses du conseil syndical s’inscrivaient dans le budget maximum de 3 000 euros TTC annuel alloué par l’assemblée générale au conseil syndical, pour lui permettre d’engager des consultations d’experts ou de techniciens, et qu’au surplus l’assemblée générale, consultée par la suite, n’avait pas jugé ces dépenses inutiles.
En effet, la convention d’honoraires de l’avocat consulté avait été jointe à la convocation et approuvée.
De plus, un projet de résolution, mis à l’ordre du jour par cette copropriétaire et décidant de faire supporter aux membres du conseil syndical l’intégralité des honoraires d’avocat, d’expert-comptable et d’architecte, avait été rejeté.
La Cour de cassation confirme la décision d’appel.
Elle relève que les dépenses engagées par le conseil syndical l’avaient été dans la limite fixée par l’assemblée générale, laquelle ne les avaient pas jugées inutiles et qu’aucun manquement n’avait donc été commis.
Si le conseil syndical peut en effet, en toute liberté, engager des dépenses pour rémunérer un tiers ou un technicien, il apparaît que ce choix s’exerce néanmoins dans les limites parfois fixées par l’assemblée générale et sous le contrôle du juge.
[1] D. n° 67-223 17 mars 1967 (JO 22 mars)
[2] CA Paris, pôle 4 – ch. 2, 20 sept. 2017 n° 15/10113 ; Rev. Administrer déc. 2017, p.57, obs. Bouyeure. J.-R.
[3] L. n° 65-557, 10 juill. 1965, JO 11 juill.
[4] en ce sens, V. Sizaire D. « La responsabilité des membres du conseil syndical » Gaz. Pal. 1975, 2, doct. p. 697 ; Boussageon B. « La responsabilité du conseil syndical et de ses membres, AJPI 1995, p. 209 ; Gélinet J.-M. « La responsabilité des membres du conseil syndical », Rev. loyers oct. 2007, p. 375 ; Rép. Min. n° 19764, JO Sénat Q, 9 mars 2000, p. 66
[5] Cass. 1ère civ. 4 janv. 1980, n° 78-41.291 : Bull. civ. I, n° 11, p. 9 ; CA Paris, pôle 4 – ch. 2, 21 juin 2017, n° 15/09932
[6] Cass. ass. plén. 6 oct. 2006, n° 05-13.255, D. 2006. 2825, obs. I. Gallmeister, note G. Viney ; ibid. 2007. 1827, obs. L. Rozès ; ibid. 2897, obs. P. Brun et P. Jourdain ; ibid. 2966, obs. S. Amrani-Mekki et B. Fauvarque-Cosson ; AJDI 2007. 295, obs. N. Damas ; RDI 2006. 504, obs. P. Malinvaud ; RTD civ. 2007. 61, obs. P. Deumier ; ibid. 115, obs. J. Mestre et B. Fages ; ibid. 123, obs. P. Jourdain.
[7] cf. note 4